Pour voir l’étape précédente, cliquer ici: Saint-Marin
Après être descendue dans l’orteil de la botte italienne, après avoir traversé la Sicile et pris le ferry sur cent kilomètres, «Mini» arrive dans le mini-État le plus méridional, le seul à être entièrement entouré d’eau : Malte. Nous sommes au cœur de la Méditerranée, plus au sud que Tunis. Ambiance chaude.
Nom officiel : Repubblika ta’ Malta / Superficie : 316 km2 / Point culminant : Ta’ Dmejrek (253 m) / Point le plus bas : Méditerranée (0 m) / Population : 447 000 (dont 424 000 Maltais) / Densité de population: 1414 personnes/km2 / Langues : maltais (un dialecte arabe) et anglais / Monnaie : euro
Une femme endormie, la poitrine lourde, de fortes cuisses, le poids de son corps déformant son matelas. Pourtant, elle tiendrait dans le creux de la main. C’est la plus belle pièce de la collection du musée archéologique de La Valette. Elle provient de l’Hypogée, temple creusé dans la roche qui servait à des rites mortuaires et où on laissait se décomposer les cadavres. Datant de 3000 ans av. J.-C., cela fait longtemps que la «femme endormie» se repose !
L’histoire de Malte est riche. Après la préhistoire, elle fut successivement phénicienne, carthaginoise, romaine, byzantine, arabe et normande, avant l’installation des chevaliers de Saint-Jean en 1530. En 1798, en route pour la campagne d’Égypte, Napoléon s’empara de l’île, reprise par les Britanniques deux ans plus tard. Ils s’y installèrent pour longtemps, puisque Malte ne devint un état indépendant qu’en 1964 et que les dernières troupes britanniques ne quittèrent l’île qu’en 1979. Mais ils y ont laissé une sérieuse empreinte. Non seulement l’anglais est la deuxième langue officielle et la conduite est à gauche, mais pas mal de boîtes à lettres datent encore de l’Empire. Sur certaines je relève l’inscription EviiR, pour Edward VII Rex, dont le règne dura de 1901 à 1910.
Le rouge et le vert. Pays très catholique, comme tous les mini-États, Malte connaît pourtant des rituels bien singuliers. Au village de Zejtun, on fête la Sainte Catherine, patronne de la ville. Alors que dans l’église on célèbre la messe, dehors se prépare un spectacle très différent. La petite ville possède deux fanfares, la Ghaqda Muzikali Beland (les verts), fondée en 1861, et les «nouveaux venus» de la Ghaqda Muzikali Zejtun (les rouges), datant de 1933. Les deux s’affrontent. C’est à qui réunira le plus de monde, à qui fera le plus de bruit, à qui présentera le meilleur feu d’artifice. Chaque localité maltaise possède sa ou ses ateliers d’artificiers, et chaque année il y a des accidents, parfois mortels ! La tradition veut que les rouges fassent la tournée de la ville le matin, les verts l’après-midi. Lorsque les rouges arrivent devant le local des verts, ils commencent à les insulter. C’est du cinéma bien sûr, mais des policiers se tiennent prêts à intervenir si cela dérape… Jadis, il y a eu de véritables bagarres ! Les rouges donnent l’impression d’être une bande de hooligans, mais, m’assure-t-on, tout cela est bon enfant et le soir, verts et rouges boiront leurs bières Cisk ensemble ! Des supporters rouges, assis sur les épaules de leurs copains, haranguent les verts qui se tiennent cois dans leur local. L’apothéose est un concert de musique hard rock, diffusé à partir d’une dizaine de haut-parleurs gigantesques montés sur camion. En mesure avec la musique, les rouges tirent alors leur feu d’artifice, composé essentiellement d’énormes pétards qui arrosent la foule de confettis et de rubans métallisés. Comme on est de jour, les fusées lâchent des panaches de fumée de couleurs plutôt que des étincelles, et surtout des explosions tonitruantes qui terrorisent les vieux qui ont subi les bombardements des forces de l’Axe durant le blocus de 1940-1943… Sur la place du village, autrement si tranquille, on a l’impression d’assister à une révolution en Amérique Latine !
Le bleu. Malte est connu parmi les plongeurs méditerranéens pour ses eaux cristallines. Je suis accueilli par Mark Busuttil, qui nous organise une plongée spéciale dans les parcs à thons rouges. Chaque enclos circulaire de 50 m de diamètre contient des centaines d’animaux. Un marché juteux, représentant des millions d’euros. Difficile d’entrer ici dans le débat sur l’éthique de la chose. Je mange du poisson (y compris du thon rouge), je mange des fruits de mer, je mange de la viande… Ce serait hypocrite de ma part de jouer au Sea Shepherd soudainement ! Une fois entrés dans l’enclos, accrochés à l’immense filet, nous commençons à observer le ballet des thons. Il nous faut trouver un peu de courage avant de nous lancer dans le trafic des animaux, qui tournent en rond à une vitesse impressionnante, créant un vortex qui nous entraine vers le fond du filet, à 38 mètres de profondeur. La ronde de ces poissons est spectaculaire, chaque animal fuselé comme une torpille mesurant entre 150 et 250 centimètres et pesant jusqu’à 300 kg ! Au bout de 45 minutes qui semblent être passées comme un éclair, nous effectuons notre palier de décompression, installés tranquillement sur l’un des énormes amarrages du filet.
Six couleurs. Dans le village de pêcheurs de Marsaxlokk (prononcé Marsatchloque), nous admirons les traditionnels bateaux de pêche maltais, appelés «luzzu», peints de six couleurs vives. Ce n’est pas juste pour la décoration, chaque couleur ayant une signification particulière : le rouge et le blanc sont les couleurs nationales, le jaune est pour le soleil, le bleu pour l’eau, le marron pour la terre et le vert est la couleur de l’espoir. Deux yeux peints sur la proue sont censés protéger les pêcheurs contre le mauvais œil. Pas loin, à Birzebbuga, se trouve le terminal à conteneurs du Malta Freeport, ouvert en 1988, avec un volume d’échanges équivalent à 2,56 millions de conteneurs de vingt pieds en 2012. Plus de 95% du trafic de conteneurs du Freeport correspond au transbordement. Comme troisième plus grand port de transbordement de la Méditerranée, Malta Freeport représente une plate-forme stratégique pour les lignes maritimes qui l’ont choisie pour sa situation au carrefour de certains des plus grandes routes maritimes du monde, entre l’Europe, l’Afrique et le triangle moyen-oriental de l’Asie.
La place stratégique de Malte dans le centre de la Méditerranée ne date pas d’hier. Ses excellents ports naturels ont toujours attiré navires et flottes. De nos jours, les bassins portuaires de La Valette abritent yachts, cargos, pétroliers et d’énormes navires de croisière et plateformes pétrolières qui éclipsent les anciennes fortifications. Autrefois base de la flotte méditerranéenne de la Royal Navy, des navires de guerre de plusieurs nations accostent encore dans le Grand Port, dans le cadre des missions humanitaires en Méditerranée, pour sauver des migrants qui tentent de gagner l’Europe. Une fois recueillis, ces réfugiés se retrouvent dans des villages de conteneurs. Avec ‘Mini’, nous sommes tombés par hasard sur l’un d’eux, perdus dans la campagne sous un soleil brûlant. Certaines des personnes qui y sont logées ont fui l’islamisme extrémiste. La guerre entre Soliman le Magnifique et Charles V ne semble toujours pas terminée…
Pour voir le dernier mini-État, cliquer ici: Luxembourg